Chapitre 14 : Le principe complexification / plénarité et le modèle ontothérapeutique En conclusion Pleine intégration et nouveau paradigme
Nous avons insisté sur le fait que l’intégration des méthodes en une pratique pluri-globale n’était pas éclectique ; elle n’est pas seulement la réunion de techniques et procédés jugés intéressants mais elle se constitue en une sélection méthodique.
A présent, il faut observer que l’intégration théorique n’est pas “multiréférentielle” ; elle ne se contente pas plus d’assembler les concepts et théories jugés utiles mais se constitue comme une méta-théorie, issue des observations de la pratique pluri-globale. Elle donne accès à la globalité de l’être, à l’hol-anthrope.
Nous aboutissons ainsi à la pleine intégration : y a pas tout, mais y a plein. Et ce “plein” veut dire “tout ce qu’il faut pour être complet ici et maintenant”. L’être est pleinement représenté, en normalité et pathologie. Il nous reste à conclure en affirmant la double qualité de cette métathéorie, comme :
- modèle fondamental qui peut accueillir les principales théorisations psychothérapiques,
- modèle universel qui peut devenir paradigmatique.
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Une métathéorie en accueil des… théories
Récapitulons rapidement la capacité de cette pensée à héberger les concepts et théorisations particulières sachant qu’en psychothérapie toutes les élaborations sont issues de lieux d’observation et d’expérimentation précis, à savoir des méthodes correspondantes. Freud a accédé au processus pulsionnel et libidinal grâce au long et libre discours sur le divan ; Jung a prolongé l’accès aux processus inconscients jusqu’à l’intime du lien grâce aux grands rêves, aux mythes et à l’art thérapie (mandalas) notamment. Mais il ne s’agit pas, ici, d’évoquer tous les concepts issus de toutes les pratiques existantes ; ce serait fastidieux sinon impossible. Il suffit de rappeler que notre champ d’étude englobe tous les paramètres de la pratique, tous les facteurs de la thérapie /analyse et donc toutes les dimensions de l’être humain :
- les trois durées de la cure et donc aussi les trois paliers d’approfondissement de toute relation humaine ;
- les trois dimensions de l’être (psycho-, socio- et somato-) à travers les trois grandes catégories de méthodes (verbale, groupale et corporelle) et donc leur rapport de séparation/connexion jusqu’à clivage/amalgame s’il y a pathologie ;
- les trois principales attitudes thérapeutiques (directive, interactionnelle, analytique) renvoyant aux relations humaines d’autorité, d’égalité, de créativité notamment ;
- la position une et unifiée au cœur de la thérapie (expérience plénière) comme du devenir soi (libre et authentique).
Ce raisonnement qui fait découler la théorie de son lieu d’obtention rappelle son “matérialisme historique”, cette pensée d’un philosophe (Marx pour ne pas le nommer) qu’il ne faudrait pas jeter avec l’eau du bain. Car nous pouvons nous en inspirer en psychothérapie, observant que la matérialité d’une méthode (son cadre, son organisation, son protocole) détermine très largement ce qui va s’y passer, les indications privilégiées, ainsi que la théorie qui en découlera… logiquement. Travaillez pluri-global et vous aurez de… l’hol-anthrope, avec son infrastructure corporelle et sa superstructure symbolique et spirituelle ! Mettez l’analysant sur le divan verbal et vous aurez la “représentation” des choses et, si ça dure assez longtemps, vous aurez du transfert de surcroît.
Un modèle universel en devenir de…. Paradigme
La métapsychologie de Freud est devenue paradigme, à savoir pensée et explication dominante pour l’Occident, même si elle montre de plus en plus ses limites, à cause de son incapacité à sortir de l’étroitesse de son organisation matérielle. C’est la civilisation qui choisit ses paradigmes en fonction de ses exigences du moment. Quelles sont-elles aujourd’hui ?
On peut en distinguer quatre principales concernant la pensée de l’humain : la scientificité, la complexité, la subjectivité et l’universalité, exigences apparemment paradoxales mais que notre démarche… satisfait pleinement.
- La scientificité est une revendication bien présomptueuse pour une science dite molle ; pourtant les exigences d’objectivité maximale sont réunies :
- présentation de la matérialité du lieu d’observation ;
- description minutieuse des effets obtenus ;
- reproductibilité et transmission de ces effets ;
- construction théorique par paliers d’abstraction successifs ;
- confrontation aux pairs pour confirmation ou falsification.
La psychothérapie est le laboratoire expérientiel le plus riche de notre société, elle est un nouveau “fait social total”. Et quand il est pluri-global en plus…
- La complexité. « Il y a trop de notes » disait l’empereur d’Autriche à Mozart. Notre vie (post-, hyper-) moderne a trop de stimulations… Avec nos gros sabots de carbone, nous déréglons le climat si subtil… Il y a plus de six milliards d’humains, six mille langues, des dizaines de religions… et moi, et moi et moi ! Quelqu’en soit la difficulté, notre société doit et veut affronter la complexité, avec l’hyperordinateur ou des PC en réseau… avec une métathéorie et des concepts y intégrés. Notre texte montre suffisamment que nous prenons la complexité à bras le corps.
- La subjectivité. Et moi, et moi et moi ! Que n’a-t-on décrié la narcissisation de l’individu (post-, hyper-, trans-) moderne. Et pourquoi ce terme péjoratif ? Notre société permet à chacun de ses membres d’accéder à de plus en plus de liberté et d’authenticité, à son individuation (Jung), à l’avènement du sujet (Lacan), au vrai self (Winnicott). Et c’est irréversible. Et ça en rajoute de complexité, et ça se complique du côté de la scientificité. La pensée de l’humain doit faire une place de plus en plus grande à l’individualité, maintenant que les idéologies et autres totalitarismes ont failli. Nous offrons, quant à nous, cette place privilégiée à la personne, notamment avec l’accès aux purs processus inconscients, auto-organisateurs, autopïétiques, constituants.
- L’universalité. La métapsychologie de Freud se voulait universelle, mais elle reste encore trop familialiste avec son agencement du trio papa, maman et moi, bien judéo-chrétien. Lacan prend du recul avec ses références structuralistes. Un paradigme ne peut qu’être universel actuellement et, pour cela, il ne peut se développer qu’au niveau méta- (fonctionnel/processuel et structurel/formel), laissant aux anecdotes (narcissiques et familialistes) le soin de trouver leurs places dans ces bases communes.
Y sommes-nous, dans ces fondements structuro-fonctionnels ? C’est notre propos en tout cas. Et avec cela, nous complétons au niveau de la pensée ce que la mondialisation fait au niveau politique et l’œcuménisme, au niveau des croyances. Ce serait un comble si la psychothérapie ne participait pas à ce rassemblement urgent de l’humanité pour lutter contre les dangers autrement plus importants que les tics et les tocs (narcissiques), à savoir les griffes et les serres (du climat). De plus la pleine intégration psychothérapique peut donner du sens et de l’âme à la (alter-) mondialisation.
S’inscrire en science et expérience.
Rendre justice à la complexité.
Respecter l’unicité de l’individu.
Se réunir en une universalité à la fois urgente et sereine….
C’est notre ambition.
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