Conclusion Voilà près de cent cinquante pages de textes cliniques qui viennent compléter l’historique des théories psychopathologiques. Ils constituent les données de base, les matériaux bruts, pour notre démarche d’intégration de la clinique et des psychopathologies. Ainsi s’annonce très richement cette troisième intégration après celles des méthodes thérapeutiques et des constructions théoriques présentées dans le Tome I. Il ne restera que la quatrième dimension à aborder, celle du thérapeute/analyste ; mais cela se profile en fait tout du long de ces deux premiers tomes, avec quatre caractéristiques : un thérapeute/analyste présent, positif, plénier, dans l’accordage au patient/analysant. Mais comment se présentent ces textes cliniques ? Ils ne sont pas des pures descriptions ; ils ne ressortent pas d’une pure approche phénoménologique, encore que les textes soient détaillés, complets et couvrent de longues périodes de cure, ce qui est rare. Ces présentations de cas ne sont pas non plus de pures illustrations de théories préconçues comme le sont les cinq psychanalyses de Freud qui débouchent sur… le complexe d’Œdipe. Nous occupons une position moyenne faisant de chaque cas, d’abord objectivement décrit, une étape intermédiaire, un apport partiel, dans le long travail de déconstruction de la maladie en ses paramètres diagnostics. Avec cette quinzaine de personnages, nous assistons à une lente progression d’une démarche à la fois clinique, méthodique et scientifique :
Ainsi, sans vendre la peau de l’ours prématurément, nous avons néanmoins déjà éventé les principaux paramètres diagnostics : polarité, gravité, temporalité et fonctionnalité tout en nous situant dans la globalité de l’être malade. Plutôt que de construire une théorie enveloppante et totipotante, nous déconstruisons, nous sapons d’abord tous les savoirs trop sûrs d’eux-mêmes. Nous accompagnons le monde psychiatrique qui se résout à être athéorique. Nous devons malgré tout interroger la validité de ces cas cliniques ; nous devons nous situer quant à leur force de démonstration. Notre époque férue d’ « evidence based medecine » et d’évaluation de toute chose exige des garanties. Dans notre domaine, ces preuves peuvent provenir de différentes origines : statistiques, méthodologie du cas unique, ou mise en cohérence. Les statistiques font la fortune des thérapies cognitivo-comportementales ou de l’EMDR, parce qu’il s’agit de thérapies courtes qui ne soignent que des symptômes bien délimités. Et pourtant on commence à relativiser les chiffres des comportementalistes et les succès de Shapiro (conceptrice de l’EMDR) ne se retrouvent pas chez ses élèves ! Rien de tel chez les psychanalystes qui n’arrivent pas à faire de statistiques ne pouvant même pas s’entendre sur les diagnostics, vue la complexité de la tâche qu’ils entreprennent avec les cures longues. Il en va de même pour les somatanalyses présentées ici. Et si l’Ecole de somatanalyse de Roumanie nous a fourni la belle étude statistique que nous verrons au chapitre suivant, il ne s’agit encore que de thérapie courte. Exit la (fausse) satisfaction des chiffres. Piqués au vif, les analystes développent une méthodologie du cas unique et la Société française de psychiatrie diligente une vaste étude dans ce sens. Nos cas sont anciens et ne peuvent plus profiter de ces apports, mais l’un de mes élèves, Krisztian Indries, de Budapest, travaille sur la question pour son doctorat en psychologie. Je laisserai donc à votre bon cœur et à votre intuition professionnelle le soin d’évaluer la pertinence des cas cliniques proposés. En réalité, c’est par une autre entrée que je compte assurer la validité de tout l’apport clinique, par la cohérence globale. Bien que rédigées au fur et à mesure et indépendamment l’une de l’autre, ces histoires de cures prolongées s’agencent en une cohérence qui apparaît à présent, qui se prête à la déconstruction évoquée ci-dessus et qui se porte candidate à la pléni-intégration annoncée. C’est cette cohérence interne qui nous semble le meilleur argument pour toute quête d’évaluation. Voilà la synthèse provisoire qui doit conclure cette longue présentation clinique. Mais nous avons encore un autre apport de poids à la fois clinique, théorique et statistique, l’apport de l’Ecole de somatanalyse de Roumanie.
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